Le manager 2020, comme nous l’imaginions en 2012
A partir de 2012, en tant que consultants, nous étions souvent sollicités sur la problématique suivante : « quel sera le manager 2020″ ?
Nous organisions des séminaires collaboratifs avec des groupes de managers, des programmes de formation/transformation complets. Nous arrivions à la conclusion suivante : le monde devient incertain et complexe, et, dans ce contexte le manager 2020 devra être collaboratif, agile, bienveillant. Il devra promouvoir le droit à l’erreur et développer l’empowerment pour ses équipes. Nous parlions aussi de comment relier intérêt individuel et collectif.
J’avais hâte d’arriver en 2020 et de rencontrer le manager 2020 ! J’étais curieuse de découvrir comment nous arriverions à créer l’alchimie entre l’individu et le collectif.
Nous sommes maintenant en 2021. J’ai rencontré le manager 2020 ! Il est finalement assez similaire au manager 2012, pourtant beaucoup de choses ont évolué : le monde est réellement devenu VUCA.
2021, déplacement de la problématique
Avec mon regard d’aujourd’hui, j’ai l’impression qu’en 2012, nous avions les bonnes réponses, mais pas la bonne question.
Nous étions identifiés comme un cabinet de conseil en management, car il fallait bien rentrer dans les cases existantes. Nos interlocuteurs étaient les DRH, les directeurs de la transformation ou responsable talents. Ils avaient comme mission de préparer les managers pour leur rôle de demain.
Nous étions à leurs côtés pour les soutenir dans leur projet. Nous répondions à la commande qui nous semblait tout à fait pertinente , sans la remettre en question: ‘mobilisez les managers de l’entreprise pour définir le manager de demain’ Nous nous adressions à un public de managers. L’idée était que managers ‘cascadent’ ensuite à leur équipe.
Ces démarches étaient très utiles pour avoir des prises de consciences collectives et faire des diagnostics partagés, des recommandations. Cependant il était toujours difficile de vraiment passer à l’action au quotidien.
Le pouvoir restait concentré entre les mains des managers et n’arrivait pas à passer à l’équipe, malgré les bonnes intentions. Avec quelques années de recul, je vois enfin les angles morts et les paradoxes qui freinaient ce passage.
- Comment développer l’agilité et l’intelligence collective …. en ne renforçant que les pratiques des managers ?
- Comment donner du pouvoir aux collaborateurs et aux équipes…. en isolant un groupe de managers ?
- Comment développer la puissance des équipes…. sans s’adresser aux équipes elles-mêmes.
En nous adressant aux managers nous renforcions le système de centralisation du pouvoir. En 2021, il nous apparait enfin clairement que la problématique n’est pas : quel sera le manager de demain, mais quelle sera l’équipe de demain Puis, quel sera le rôle du manager au sein de son équipe ?
Pour passer à l’action : des pratiques et des rôles
Pour donner corps à l’intention de faire évoluer le pouvoir vers les équipes, il est nécessaire de faire évoluer les règles du jeu. Cela passe par des changement dans les pratiques.
Les pratiques issues de l’intelligence collective et de l’auto-organisation permettent de concrètement donner protection et permission pour distribuer le pouvoir. Prenons l’exemple de la pratique dite ‘ décision par demande d’avis’( renseigné notamment par Frederic Laloux dans dans son Re-inventing Organisation). Chacun, dans l’organisation, est autorisé à décider s’il en ressent le besoin, à condition, au préalable, de passer par une demande d’avis. Pour cela, il doit identifier les personnes concernées par l’enjeu et les experts du sujet afin de leur demander leur avis sur la proposition de décision. Nourris de ces points de vue, il prend ensuite sa décision.
Pour permettre aux pratiques de prendre ancrage dans l’organisation, le rôle de facilitateur est peu à peu apparu comme central. Le facilitateur connait les pratiques, il sait les choisir et les appliquer dans l’organisation au service du manager, de l’équipe et surtout des enjeux.
Pour développer l’équipe de demain, le rôle du manager a besoin d’être accompagné du rôle du facilitateur.
L’enjeu actuel est donc préparer les équipes pour servir l’organisation, plutôt que de seulement préparer les managers. Et vous, comment ressentez-vous cette transition ? J’aurais plaisir à vous lire et échanger sur ce thème.
Je contribue à générer un futur du travail désirable pour les collaborateurs, les organisations et la société. J’inclus la diversité et je relie des polarités qui sont trop souvent séparées : science et humanité, liberté et contraintes, profit et éthique, local et global, préservation et créativité, numérique et humain.
Chloé Grabli
Associée
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