La Gouvernance Adaptative (GA), en mettant l’accent sur l’alignement des défis stratégiques et de la capacité humaine de l’entreprise à les réaliser, positionne les Directions des Ressources Humaines (DRH) en architectes de la transformation. C’est, en effet, à eux qu’il revient de traduire les défis opérationnels en solutions organisationnelles concrètes au plus près des managers et de leurs équipes, et de réduire l’écart entre ces solutions et la capacité de l’organisation à les réaliser.
Des DRH stratèges
Mais pour que la complexité humaine et organisationnelle soit intégrée en amont, le DRH ne peut pas être qu’un exécutant chargé de s’occuper des implications RH de la stratégie. Il doit, au contraire, penser la stratégie en tenant compte des potentiels, mais aussi du climat, des contraintes, de la culture et des résistances en place dans l’organisation et, par conséquent, siéger au comité exécutif.
Pour autant, cela ne sera pas suffisant pour faire des DRH des business partners. Ils doivent eux-mêmes réinventer leur rôle en suivant trois pistes, qui sont autant de marqueurs de l’évolution de la fonction RH dans les organisations agiles : le service de tous les collaborateurs ; l’animation d’une place de marché des talents ; l’innovation en matière de rémunération.
Des DRH au service de chaque collaborateur
Pas de transition possible sans que les DRH contribuent, avec les managers, à la croissance de tous les collaborateurs de l’entreprise et non plus des seuls hauts potentiels. On voit, en effet, encore trop souvent des dispositifs d’accompagnement à deux vitesses dans lesquels les véritables efforts sont concentrés sur une partie réduite de la population, celle qui a vocation à siéger dans les instances dirigeantes de l’entreprise.
Or, si l’on considère que la véritable capacité de l’entreprise à régler ses problèmes réside dans son intelligence collective, son agilité et la responsabilisation de chacun, cette vision est obsolète. Comme l’a, en effet, expliqué Robert Kegan, la performance de l’entreprise est directement reliée à sa capacité à développer chaque individu pour qu’il exprime tout son potentiel.
Il revient donc aux DRH de développer des dispositifs visant l’apprentissage et la croissance des personnes comme le feedback, les communautés apprenantes, le développement de l’intelligence émotionnelle. C’est en étant animés par un growth mindset (état d’esprit de « développement ») et en considérant chaque collaborateur comme un haut potentiel que les DRH contribueront à faire de l’entreprise une organisation agile.
La crise pandémique a montré que les liens entre travail et bureau fixe se distendent, tout comme ceux entre travail et salariat. Aujourd’hui, il est tout à fait possible d’être intégré dans une organisation, d’y exercer des responsabilités, de contribuer, collaborer, influencer et décider, avec d’autres formes contractuelles que le salariat.
Les entreprises performantes de demain seront celles qui auront su embrasser ces évolutions et adopter un fonctionnement en « équipe harmonisée » (one team), intégrant des collaborateurs de toutes origines – salariés, intérimaires, prestataires, freelances, etc.
Bien évidemment, les DRH auront à accompagner ce passage du « paradigme de la fiche de poste » dans lequel on cherche des compétences pour un job à plein temps au sein d’une équipe, au « paradigme des talents » dans lequel on se met au service du potentiel de la personne qui va se réaliser en occupant différents rôles (évolutifs) de manière fluide.
Leur défi permanent sera de faire en sorte que l’organisation puisse disposer rapidement des compétences nécessaires pour tenir les rôles qui émergent en permanence. Une des solutions est alors de mettre en place et d’animer une « place de marché » visant à faire se rencontrer les besoins de l’organisation et les aspirations des collaborateurs, internes et externes.
Des DRH inventeurs de nouveaux modes de rémunération
Si les collaborateurs ont plusieurs rôles, s’ils changent régulièrement de rôles en fonction des besoins de l’organisation, et si l’on cherche à construire des collectifs autonomes, on peut se demander s’il n’est pas préférable de rémunérer un niveau de maturité sur un panier de compétences nécessaires à l’entreprise plutôt que la performance dans un poste.
C’est ce que fait, par exemple, l’agence de transformation digitale suédoise Netlight (plus de 1 400 employés dans six pays) qui a développé un modèle qui commence à faire école. Les compétences-clés dont elle a besoin sont définies par grandes familles de métiers. Ensuite, un collectif de référents-métiers apprécient collectivement la montée en maturité – c’est-à-dire la capacité à gérer la complexité – de chaque collaborateur sur chacune des compétences identifiées. Et c’est cette appréciation qui permet de déterminer la rémunération. Avec ce modèle, on ne rémunère plus une fonction, ni une expertise pointue, ni la taille de l’équipe managée, encore moins une formation initiale, mais bien la capacité à gérer la complexité à travers des compétences-clés dont l’entreprise a besoin. Cet exemple doit amener, nous semble-t-il, les DRH à réfléchir aux modalités de rémunération les plus adaptées à la réalité de leur entreprise et de leur environnement.
En s’emparant de ces trois sujets, les DRH contribueront à faire de leur entreprise une organisation agile et collaborative.
Une question m’anime : comment amener concrètement l’intelligence collective et la responsabilisation dans la pratique quotidienne des organisations ? Au cours des 15 dernières années, j’ai appris et développé des méthodes très efficaces pour y parvenir.
Mickael Drouard
Associé
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